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Les riverains construisent leur vie autour du fleuve et doivent s’adapter aux changements causés notamment par les crues. La situation des Valaisans qui vivent au bord du Rhône n’est pas différente. Les riverains dépendent du Rhône pour irriguer leurs cultures, abreuver leur bétail et pêcher. En Valais, les hommes sont contraints de composer avec le Rhône, car la majorité des terres cultivables se trouve en plaine, les coteaux étant trop arides. En plus de son rôle économique, le Rhône revêt un rôle politique à travers sa fonction de frontière. Il sépare en effet les territoires des communautés riveraines valaisannes puis agit, dès 1536, entre Saint-Maurice et le lac Léman, de frontière entre le Valais et Berne et, dès 1803, entre le Valais et Vaud. Or les frontières ne sont pas fixes en raison des modifications du cours du Rhône dues, entre autre, au Petit Age glaciaire.
Une communauté peut, suite au déplacement du lit du Rhône, gagner ou perdre des terres cultivables ; parfois même, une partie de son territoire peut se retrouver sur l’autre rive. Cette situation ne manque pas de provoquer des conflits entre communautés. Les riverains tentent dès lors de contrôler le fleuve ou tout du moins de limiter ses fluctuations, afin de maintenir voire même d’augmenter leurs zones cultivables et leurs zones de pâturage. Pour ce faire, ils bâtissent des digues, appelées barrières, qui sont défensives ou offensives. Dans le premier cas, les digues sont aménagées parallèlement au courant en vue de préserver la rive de l’érosion. Dans le deuxième cas, les barrières sont disposées perpendiculairement au courant, de façon à dévier le Rhône vers l’autre rive. La préoccupation principale des Valaisans réside dans l’expansion des pâturages et des zones arables. Pour y arriver, ils luttent à la fois contre le Rhône et contre les communautés riveraines voisines. Ainsi, les communautés entre Riddes et Martigny se trouvent régulièrement en conflit. Il est intéressant de noter qu’elles agissent toujours dans leur propre intérêt lors de l’érection de barrières. Elles passent ainsi outre l’interdiction des autorités de construire des barrières offensives. L’état d’esprit change néanmoins au début du XIXe siècle et débouche sur une volonté de coopération accrue. En 1833, l’endiguement du Rhône devient une compétence du Canton du Valais.
L’endiguement du Rhône à travers l’érection de barrières offensives ne cause pas des conflits qu’au niveau régional. En effet, des différends émergent également dès 1536 entre le Valais et Berne à propos de digues présentes le long du Rhône, notamment entre la commune bernoise de Bex et la commune valaisanne de Massongex. Il semble que, tout comme dans le cas de communautés riveraines valaisannes, le Valais et Berne préfèrent la défense de leurs intérêts propres à la recherche d’un consensus. Les communautés, qu’elles soient sous le domination valaisanne ou bernoise, se battent dans le but de protéger ou d’augmenter les terres arables à leur disposition. Berne et le Valais, quant à eux, se disputent à propos des droits seigneuriaux et des droits de juridiction. Il s’agit ainsi, dans les deux cas, de conflits liés aux territoires. Au fil des siècles, les querelles autour de la délimitation de la frontière entre les deux états se poursuivent. Ces désaccords sont souvent réglés par arbitrage et donnent naissance à des actes fixant les limites entre les deux territoires. Dans un acte de délimitation du Rhône datant de 1760, les représentants de Berne et du Valais s’accordent enfin pour dire que tous ces conflits auraient été évités si un plan exact du Rhône avait été dressé au début de leur cohabitation. Ce qui est le cas à partir de ce moment-là.
AEV, AV, 45/7